Pas en notre nom

Depuis le début des attaques en octobre, et surtout à la suite de la contre-offensive israélienne en Palestine, nous avons été témoins, avec une préoccupation grandissante, de l’usage des droits LGBTQ+ pour légitimer les bombardements et l’occupation actuelle de la bande de Gaza. Cette récupération des droits LGBTQ+ est particulièrement évidente dans certains contenus diffusés en ligne. Par exemple, des images circulent actuellement sur les réseaux sociaux figurant un soldat israélien qui brandit le drapeau arc-en-ciel taggué du slogan “Au Nom de l’Amour”, sur un arrière-plan de destruction à Gaza. Une autre image montre les couleurs de l’arc-en-ciel en avant-plan d’un char d’assaut de l’armée israélienne. Ces publications sont accompagnées de discours pro-militaires qui célèbrent l’invasion du territoire comme une victoire au nom du progrès des communautés LGBTQ+.

En tant qu’organisation dédiée à la défense des droits des personnes LGBTQ+, nous dénonçons fermement cette instrumentalisation de la cause pour ce qu’elle est: un exemple de pinkwashing. Il est d’autant plus insoutenable que cette focalisation supposée sur les droits des personnes LGBTQ+ se fait dans un contexte de justification génocidaire.

À l’origine, le concept de pinkwashing désignait les entreprises qui participaient à des campagnes contre le cancer du sein (représenté par un ruban rose) tout en vendant des produits contenant des substances chimiques pouvant favoriser la maladie. Ce terme a mis en lumière le décalage entre l’image publique que ces entreprises cherchent à projeter et, d’une part, leur manque d’action concrète en faveur de la cause, ou d’autre part, leur contribution active à des problèmes qu’elles prétendent combattre.

Progressivement, le terme s’est étendu au milieu LGBTQ+ par exemple face à la récupération du drapeau durant les périodes de la Fierté. Des entreprises tentent de capitaliser sur une image favorable liée au soutien des droits LGBTQ+, sans pour autant manifester un engagement authentique envers cette cause. Plus préoccupant encore, ces mêmes entreprises adoptent souvent, tout au long de l’année, des comportements qui contredisent ces valeurs, allant jusqu’à pratiquer des discriminations envers leurs employé.e.s ou les utilisateur.rice.s de leurs services. Sur le plan international, la notion de pinkwashing a permis de dénoncer l’instrumentalisation des causes LGBTQ+ dans le masquage de politiques xénophobes, d’actions coloniales intrusives, et d’autres formes de racisme ou de hiérarchisation sociale. En somme, faire tout un focus sur les droits LGBTQ+ afin de détourner l’attention des autres violences perpétrées contre les populations.

Usage d’armes interdites par le droit international comme les bombes de phosphore blanc, représailles contre toute une population, destructions d’hôpitaux, de camps de réfugié.e.s, d’écoles, d’églises, record épouvantable d’enfants tué.e.s et ce, depuis le 19ème siècle… Prétendre que les crimes contre l’humanité qui sont actuellement commis constitue une avancée pour les droits LGBTQ+ est une insulte envers toutes les communautés LGBTQ+ à travers le monde. C’est effacer entièrement l’existence de personnes LGBTQ+ palestiniennes qui sont tout aussi victimes des bombardements, tout comme leurs proches, leurs êtres aimé.e.s, leur communauté, leur nation. C’est perpétuer une vision coloniale de l’acceptation de la diversité de genre et de l’orientation sexuelle, qui ne pourrait venir que de l’extérieur et qui, fondamentalement, dans ce contexte, se nourrit également d’une islamophobie et d’une arabophobie que nous dénonçons.

Enfin, c’est oublier qu’en tant que milieu de lutte pour les droits des communautés LGBTQ+, nous sommes un milieu qui se positionne avant tout pour les droits humains. Aussi aujourd’hui, nous réaffirmons: pas en notre nom.